Photos Jacques Vappillon

Photos Jacques Vappillon

Un trimaran, sous le grain
On le sentait venir depuis un moment. La lumière à changé, doucement. Un peu plus grise, froide aussi. Sur le visage, le vent s’est fait plus incisif ; le tiède qui s’était niché au creux des poignets et du coup s’est évaporé, aspiré par le courant d’air. Le gréement à grincé une fois, craqué. L’un de nous a levé la tête, examiné la girouette, puis les voiles. Un autre s’est tourné vers le vent, les vagues, le sillage qui s’allonge peu à peu. Deux regards se croisent une interrogation muette. Coup d’œil vers l’arrière : le barreur a changé de position, on le sent plus attentif. Un régleur assis à coté de son winch, se lève, reprend quelques tours de manivelle. Ca chuinte plus fort, le trimaran s’anime, s’ébroue dans les creux qui naissent déjà. Une voix à l’arrière. Deux équipiers se lèvent. Il faut y aller. « OK on prend un ris ! »
Se lever, trouver son équilibre sur le filet mou, dans les reins, encore un peu de chaleur file avec la brise, on remonte le col, on gagne le pied de mat. A peine une hésitation, chacun se place. Les cordages sont froid et mouillés. Il faut lever la tête, surveiller la toile qui bat, les bouts qui filent, les premières gouttes de pluie piquent les yeux. Quelques ordres brefs. Des manivelles tournent. Une bosse roule sous la botte. Un dernier regard à la grand voile, un pouce qui se lève. On regagne sa place, on se cale, on se serre, le ciré est froid sur les cuisses. Haute Normandie a repris sa cavalcade. Une moitié du visage à l’abri derrière la capuche rabattue, on sait déjà que la nuit sera longue…

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